Ma visite du Myanmar en auto-stop se poursuit lentement. Avec José et Marc, nous décidons de faire escale à Naypyidaw, la nouvelle capitale du pays (autrement appelée Nay Pyi Taw). Nous avons entendu dire que cette ville ne présentait aucun intérêt touristique particulier, mais avons tout de même décidé d’aller y faire un tour. Voici ce à quoi ressemble Naypyidaw, l’étrange capitale fantôme du Myanmar, qui pourrait pourtant contenir soixante-dix fois Paris intra-muros, ou six fois New York…
Naypyidaw, premières impressions :
Nous débarquons à Naypyidaw en fin de journée, après avoir voyagé en auto-stop depuis l’une des plus belle plages de Birmanie : Ngwe Saung. Le contraste entre ce petit coin de Paradis et notre arrivée dans la capitale est brutal. Tout autour de nous, de grandes artères goudronnées se disputent la présence des rares véhicules qui circulent. Nous sommes au cœur de Naypyidaw, mais nous nous sentons bien seuls. Les allées et venues de quelques balayeurs de feuilles mortes semblent être l’unique distraction. Point positif tout de même : la ville est par conséquent d’une propreté impeccable.
À Naypyidaw, on ne mélange pas torchons et serviettes : tout est organisé par quartiers et les zones sont isolées les unes des autres. Certains lotissements concentrent les hôtels ou les ministères, d’autres encore font office de cités-dortoirs pour les fonctionnaires (dont les logements sont attribués en fonction du grade). Les avenues pouvant mesurer plusieurs kilomètres de long et la température avoisinant les 40°C à l’ombre, nous sommes obligés de nous déplacer en stop d’une rue à l’autre, ce qui nous procure le curieux sentiment d’être perdus au milieu d’une fournaise défendue… Sans trop d’imagination, nous nous croirions presque dans une banlieue américaine, désertée après la fin du monde.
Nous avons un peu de mal à trouver un lieu où passer la nuit, mais finissons par dégoter le seul hôtel qui entre à peu près dans notre budget : nous dormons au Golden Lake Hotel, un nouveau resort qui offre une belle promotion : 17$ pour une chambre climatisée comptant trois lits (ailleurs, les prix varient de 35 à 200$ US pour une nuit).
Cela nous permet de visiter la ville le lendemain, même si visiter est un grand mot. À part des rues désertes et la pagode Uppatasanti, il n’y a pas grand chose à voir dans les environs, Naypyidaw et sa modernité exagérée se situe aux antipodes du reste du Myanmar. Si nous n’avions su que la capitale était une ville-fantôme, nous aurions probablement été déçus.
Une des dispositions constantes de l’homme est de souhaiter être ailleurs que là où il est.
Jacques Réda
La pagode Uppatasanti :
Comme je l’évoquais ci-dessus, la ville est immense et c’est donc en auto-stop que nous partons visiter la pagode Uppasanti, réplique de la célèbre Shwe Dagon Pagoda de Yangon. Ce temple mesure 99 mètres de haut, et est entièrement recouvert de feuilles d’or, une jolie visite qui aura eu le mérite de nous remonter le moral, alors bien bas.
Bon, je vous l’accorde, il existe pourtant quelques rares autres points d’intérêt, mais tout de même…
Que voir à Naypyidaw ?
Si vous vous rendez dans la capitale Birmane, voici quelques idées de visites :
- Deux stades de 30 000 places chacun ;
- Un parc zoologique ;
- Un jardin où sont exposées les miniatures des monuments les plus importants du pays (le National Land Marks Garden) ;
- Plusieurs terrains de golf ;
- Deux lacs ;
- Un musée de pierres précieuses ;
- Des centres-commerciaux… vides.
En résumé, à part la pagode Uppasanti, Naypyidaw a bien peu à offrir, surtout si on la compare aux nombreux joyaux que dénombre fièrement le Myanmar…
Naypyidaw, 6h37 le 6 novembre 2005 :
Plus que singulière, l’histoire de Naypyidaw mérite d’être résumée. La ville est devenue capitale officielle du Myanmar en novembre 2005. Construite à quelques kilomètres de Pyinmana, ancienne ville historique signifiant demeure des rois, et à 320km au Nord de Yangon (l’ancienne capitale birmane), la position de la cité royale est stratégique puisque cette dernière est située en plein centre du pays – argument officiel largement controversé, puisque Naypyidaw se trouve en réalité au milieu de nulle part. Ainsi déplacée, la capitale serait plus à même d’être protégée en cas d’une éventuelle invasion du pays. De même, on peut aisément penser que la faible densité de la population du secteur permet au gouvernement birman de réprimer toute manifestation d’opposition.
Ce sont les astrologues les plus réputés du pays qui ont choisi la date du déménagement du gouvernement. Le général Than Shwe, alors dirigeant de la junte au pouvoir, avait fait évacuer en autobus les fonctionnaires en place à Yangon, le 6 novembre 2005 à 6h37. Les administrés, ayant appris la veille leur mutation, sont ainsi arrivés à Naypyidaw bien que la ville ne soit pas prête à les accueillir (pas de restaurants ni de lieux de vie). Deux mois plus tard, la population apprit enfin le déplacement du gouvernement.
Naypyidaw compterait à l’heure actuelle près d’un million d’habitants selon les autorités gouvernementales. Si nous avons croisé quelques dizaines de personnes durant notre séjour sur place, nous cherchons encore où se cache le reste de la population, et avons presque ressenti un petit goût d’URBEX… Sa construction a par ailleurs coûté la modique somme de quatre milliards de dollars (le Myanmar dépense seulement 0,4% de son PIB pour la santé de ses citoyens), nécessité la destruction d’une grande forêt de tecks (dont certains mesuraient jusqu’à trente mètres de haut), et forcé le déplacement de plusieurs villages. Une opération bien étrange, dans une zone où seuls le riz et la canne à sucre étaient auparavant cultivés.
Naypyidaw, une ville dans la ville ?
Autre fait remarquable à Naypyidaw, c’est qu’il existerait une ville cachée au sein de cette même capitale, réservée à l’armée. Dans cette zone militaire non-officielle, des tunnels auraient été percés à flanc de montagne avec l’aide de quelques ingénieurs Nord-Coréens, afin d’y entreposer du matériel d’infanterie, voire des missiles.
Si certains évoquent une rumeur, d’autres affirment toutefois qu’il existe bel et bien un centre de commandement militaire souterrain, depuis lequel serait dirigé le pays. Théorie farfelue ou secret d’État, la question se pose toutefois parmi les membres de la communauté internationale.
Une capitale longtemps fermée aux visiteurs :
Les voyageurs n’ont pas toujours été les bienvenus dans cette capitale birmane construite de toutes pièces, au beau milieu de la jungle. Longtemps, la ville fut interdite aux journalistes étrangers et aux touristes souhaitant sortir des sentiers battus. Ceci n’est plus d’actualité, puisque la capitale a ouvert ses portes au reste du monde en 2011.
Toutefois, aujourd’hui encore, l’absence de signalétique routière ne serait pas le fruit du hasard : il est en effet difficile pour le visiteur de trouver son chemin. Les faits et gestes des rares étrangers seraient par ailleurs étroitement surveillés par les services de sécurité. Au moins, nous avons été ravis de ne pas nous retrouver coincés dans les embouteillages, grâce aux voies de circulation extrêmement bien pensées : elles peuvent par endroits accueillir jusqu’à vingt files de véhicules. Un vrai jeu d’enfant pour se déplacer… ou pas.
Les autorités locales souhaitent aujourd’hui attirer les investisseurs étrangers sur place, mais on peut se demander pour quelles raisons obscures ces derniers préfèreraient miser sur Naypyidaw, et non Yangon. Il en va de même pour les touristes qui entreprendraient un voyage au Myanmar, si ce n’est pour découvrir par eux-mêmes toute cette incongruité.
Comme vous pouvez l’imaginer, c’est donc le cœur gros que nous laissons derrière nous Naypyidaw. Toute romance a une fin, et mon tour du monde se poursuit plus au Nord, en direction de Bagan, de Mandalay et du lac Inle. Après avoir mis la barre si haut, nous espérons vivement que ces deux petites bourgades seront à la hauteur de leur invraisemblable capitale, où démesure et paradoxe rivalisent en beauté avec dénuement et incohérence…
C’est très … comment dire ? Déconcertant me parait le mot le plus juste pour décrire ce que j’ai ressenti en lisant !
Oui je crois que c’est le mot juste^^
Bon, on ira probablement pas y faire un tour, mais c’est sympa de nous avoir fait ce petit reportage, j’ai appris plein de choses !
Autre question : c’est facile de faire de l’auto stop en asie du sud est ?
Merci! Oui vraiment facile, que ce soit au Myanmar, en Thaïlande, au Cambodge, au Vietnam ou en Malaisie! Très peu d’attente, et que des belles rencontres…
J’avais lu la même chose par ailleurs, un mystère…
Oui… Particulier comme lieu…
ah! oui, ça valait le coup d’attendre …
déconcertant et lamentable
c’est vraiment la folie des grandeurs
un simili urbex à oublier !
bonne route et gros bisous
Merci pour ton message! Gros bisous <3
Très étrange en effet, et comme tu le dis un goût d’urbex se fait sentir !!!
J’imagine que ça te parle^^ Bises
Superbe article sur cette capitale … Un oeu surprise … J ai deja resenti ce sentiment en Malaisie la capitale administrative
Ah oui? Tu parles de Kuala Lumpur? Car j’y suis également passé, j’avais pourtant trouvé cette ville assez vivante et agréable, avec pas mal de quartiers sympas à visiter
Non pas Kuala Lumpur mais la capitale administrative à 120 km avec le palais du premier ministre démesuré – des avenues gigantesques par contre une jolie mosquée et des ponts magnifiques …
Ah oui, effectivement!!!
Tout à fait étonnante cette capitale fantôme !
Oui, ce fut une étape assez déconcertante…^^