Récemment, dans le cadre de mon voyage le long de la Route de la Soie, je me suis rendue en Ouzbékistan. J’en ai profité pour faire escale à Moynaq, ville tristement célèbre pour avoir vu disparaître son port de pêche, anciennement située sur la Mer d’Aral. Une visite émouvante et marquante, que j’ai décidé de partager avec vous ci-dessous, en images…
Moynaq, ou Mo’ynoq en ouzbek, est un ancien port, qui fut le second embarcadère de la mer d’Aral. Située au Sud de celle-ci, dans la République du Karakalpakistan en Ouzbékistan, la ville n’est plus aujourd’hui qu’un village fantôme, bien que quelques habitants soient restés sur place.
Dans les années 1920, les pêcheurs y jouèrent un rôle important dans la lutte contre la grande famine qui décima une partie de l’Empire russe. Par la suite, les activités de pêche et de mise en conserve du poisson ont perduré (Moynaq abritait la plus grande conserverie de poisson de l’Ex-Union Soviétique avant la seconde guerre mondiale, aujourd’hui en ruines), jusqu’à ce que la mer soit progressivement asséchée, à cause de la culture intensive du coton.
En effet, les deux fleuves se jetant dans la mer d’Aral, le Syr-Daria et l’Amou-Daria, furent détournés afin d’irriguer les champs, qui recouvrent d’ailleurs toujours le pays entier. Cette catastrophe humaine et écologique a transformé le vieux port de Moynaq, la mer ayant disparu, s’étant reculée bien plus au Nord. Aujourd’hui, lorsque l’on visite Moynaq, on ne trouve plus qu’une douzaine de carcasses de bateaux, squelettes rouillés témoins d’une époque où l’économie de la pêche fleurissait et nourrissait des milliers de familles, et quelques coquillages, livrés au désert. Un musée a été inauguré afin de ne pas oublier ce temps désormais révolu, par ailleurs, un mémorial a été érigé à l’endroit même où se situait le rivage de la mer dans les années soixante.
Sur cette carte affichée près du mémorial, on peut voir l’évolution du niveau de l’eau. En jaune et à gauche, la mer d’Aral en 1960 (qui était alors le quatrième plus grand lac au monde), tandis qu’en bleu, ce qu’il en restait en 2008. Sur l’image de droite, une photo satellite nous montre en bleu jusqu’où avait reculé la mer d’Aral en 2016.
Cette tragédie, conséquence directe d’une industrie textile qui dévore une mer entière sans en être inquiétée, symbole de la folie humaine qui nous fait tous marcher sur la tête, aurait pourtant pu être évitée. Du moins limitée. Lorsque l’on apprend qu’entre 35 et 75% de l’eau transitant par les canaux d’irrigation de mauvaise qualité fut perdue en route, on réalise alors l’ampleur de cette aberration, sans plus aucune limite.
Cela sans compter les problèmes sanitaires, sociaux et climatiques que la catastrophe a engendré : chômage, maladies graves (liées au sel qui est resté dans le sol), forte hausse des températures en été et baisse importante en hiver…
Si la Mer d’Aral subsiste toujours difficilement quelques dizaines de kilomètres plus au Nord, au vu du nombre de plantations de coton qui envahissent toujours la grande majorité du territoire ouzbek, on imagine facilement que d’ici peu il n’en restera plus que quelques gouttes d’eau…
Plus qu’impressionnante, ma visite de Moynaq fut surtout symbolique. Il y a de ces voyages qui se vivent et ne se décrivent pas, et j’ai du mal à trouver les mots justes pour partager avec vous cette journée passée dans ce lugubre cimetière de bateaux.
Toutefois, du gaz a été récemment décelé sous terre. Un avenir tout tracé pour Moynaq, ville fantôme au destin tragique qui, avec le temps, se transformera probablement en une ville industrielle, où les forages remplaceront la mer d’Aral : lorsque l’eau disparaît, seuls les gros poissons s’en tirent bien.
Le monde est un bateau abandonné par son équipage.
Mordecai RoshwaldCependant, des mesures ont été mises en places afin d’élever le niveau de l’eau. S’il l’on peut regretter que ce soit un peu tard, on peut néanmoins laisser place à un peu d’optimisme (plus d’informations sur le site National Geographic).
Visiter Moynaq en Ouzbékistan :
Ceux qui me suivent depuis longtemps le savent, je pratique l’exploration urbaine depuis quelques années (à lire : l’URBEX c’est quoi). Je ne divulgue jamais d’adresse sur mon blog, mais Moynaq devient peu à peu une destination touristique, et l’on trouve désormais les coordonnées du site en deux clics sur le net. Voici donc, à titre exceptionnel, quelques infos pour celles et ceux qui souhaiteraient visiter ce cimetière de bateaux de la Mer d’Aral :
- Moynaq, c’est où ? Moynaq se situe à l’Ouest de l’Ouzbékistan, après Noukous. Depuis l’autoroute A340, il faut poursuivre jusqu’à Kungrad puis emprunter l’unique route en direction du Nord. Le cimetière de bateaux se trouve à environ 90 kilomètres de Kungrad, à la sortie Nord de Moynaq.
- Comment se rendre sur place ? Avec un ami roumain, nous avons partagé une voiture depuis Khiva. Seule véritable excursion de mon voyage, je me suis fait un petit plaisir puisque c’était alors mon anniversaire ! Nous avons payé 70$ aller/retour, à diviser entre les voyageurs qui peuvent être jusque quatre par véhicule. Il est toutefois possible de rejoindre le cimetière de bateau en auto-stop, mais prévoyez du temps : c’est loin, et les voitures et camions se font rares ! Il est également possible de prendre des bus ou taxis collectifs de Khiva à Noukous, puis de trouver une voiture allant de Noukous à Moynaq.
- Peut-on voir la Mer d’Aral depuis Moynaq ? Non, la Mer d’Aral se situe bien plus au Nord, il faut pour cela louer un 4×4 car la piste n’est plus asphaltée, et compter le double du tarif. Pas plus d’infos de mon côté, car je ne me suis pas rendue jusque là.
- Où dormir ? Il est possible de trouver des guesthouses à Moynaq, Kungrad et Noukous, à partir de 3$ par nuit. Le camping sauvage est également une option à considérer.
Et pour aller plus loin, n’hésitez pas à retrouver l’ensemble de mes sessions URBEX, notamment un cimetière de voitures, ainsi que les meilleures photos de mon voyage en Ouzbékistan et mes conseils pour réussir vos photos de vacances !
Mai 2018
Votre visite fut un peu succincte de Moynaq.
Pour s’y rendre, le mieux est un taxi depuis Noukous, vraiment pas cher (moins de 10$). Il y a un Guesthouse fort accueillant.
Une balade vers l’Est vous mènera vers la piste d’aviation construite là où était la mer et utilisée pour les évacuations sanitaires.
A l’entrée de la ville à gauche, vous n’avez pas pris de photo du bateau au bord de la route mis sur cale pour la memoire.
Du mémorial, à l’est, il y a une vue panoramique sur le cimetière de bateaux et ce qui était le fond de la mer.
Un taxi peu couteux (2$) vous mènera un peu au nord, où vous roulerez sur la route construite où était la mer. Le chauffeur vous arrêtera au pied d’une colline de sable que vous gravirez et arrivé en haut la vue s’étend à perpétuité sur ce qui était la steppe du littoral: impressionnant.
Parcourez les rues en terre de la ville où vous verrez les vaches rentrer des pâturages dont elles ont profité la journée là où était la mer. Elle circulent en file indienne paisiblement sans avoir de gardien et chacune s’arrête devant sa porte attendant qu’on lui ouvre.
Outre les vaches, cette ville est remplis d’enfants joyeux prés à vous faire la fête. Ils résident chez leurs grands parents, leurs propres parents étant partis chercher du travail ailleurs: une ville de jeunes et de vieux sans intermédiaire.
Prenez le temps de faire une infidelité à l’hotel, en allant manger en ville dans un restaurant local (1,5$ par personne) et en entrant, n’oubliez pas de dire « bonjour » (sala malecoum) et rapidement on vous demandera d’où vous venez, on vous citetra les noms de nos footboleurs et c’est parti pour un moment convivial devant un coca (ou une bierre) avec de delicieuses brochettes.
*Bonjour*
Déja faut-il se rendre à Noukous, mais une fois sur place, il y a effectivement des véhicules se rendant à Moynaq, comme mentionné dans mon article d’ailleurs. Pardonnez-moi aussi de ne pas avoir publié l’intégralité de mes photos…
Mon sentiment est qu’une ville où une génération manque à l’appel n’est pas « joyeuse », ce qui n’enlève rien à la gentillesse des habitants. Quant à l’infidélité à l’hôtel, vous ne suivez visiblement pas mon blog, j’y dors très rarement et je suis le plus souvent en tente ou chez l’habitant.
Ah, une dernière chose, non je n’oublie pas de dire bonjour aux gens, par contre je vous retourne le conseil…
Je vous souhaite une bonne fin de journée 🙂
Bonjour,
Ne vous fâchez pas. Je n’ai pas commencé par écrire « bonjour » car un commentaire n’est pas un courrier. Qu’à cela ne tienne, je viens de l’écrire.
Si j’ai mentionné que le taxi est un bon moyen pour se rendre de Noukous à Moynaq, ce n’est que pour indiquer à d’autre que cela existe pour vraiment pas cher. Ce n’est pas un reproche, mais une information.
Oui, vous avez raison, on ne peut pas dire que la ville est joyeuse, mais j’ai écrit « enfants joyeux ». C’est bien ainsi que ces enfants nous accueillent pour un peu que l’on quitte la grande route pour aller flâner dans les quartiers.
Quand j’ai écrit « infidélité à l’hôtel », ce n’était pas pour vous le reprocher mais pour inciter un éventuel lecteur à aller au devant des habitants. J’ai trop vu de touristes en groupe, s’arrêter pour manger et dormir sans même faire trois pas dehors. A la lecture de votre blog, je suis sur que ce n’est pas votre cas
Si j’ai ajouté « salamecoum » c’est pour dire aux lecteurs que ce simple mot est facile pour entrer en contact avec des gens qui setront heureux de partager un moment avec eux.
Je le repete: un commentaire n’est pas un courrier ou une reponse, mais il peut etre un enrichissement ou une indication car il est écrit pour TOUS les lecteurs.
Continuer votre route aussi sagement ……………… Claude (77 ans)
Quelle tristesse! et quelle bêtise.
Tout à fait…
Waouh en 8 ans le contraste est bien fort quand même !
Il y a en a beaucoup des épaves d’ailleurs ? C’est dingue je ne pensais pas du tout que cela pouvait changer en si peu de temps.
Sur ce site, il y en a une douzaine à peu près. Oui c’est fou ! C’est à voir pour le croire !
très beau reportage, bien documenté et assorti de photos saisissantes
c’est désolant et catastrophique
voilà à quoi mène la folie humaine
merci pour ce témoignage
Merci Papi, gros bisous
On a une belle photo de la Mer d’Aral prise par mon homme pendant son voyage à vélo, c’est beaucoup de souvenirs pour lui 🙂 Il m’avait raconté l’histoire terrible de cette mer, comme tu l’as dis c’est une véritable tragédie..
Oui, c’est une drôle de visite… Une vraie catastrophe, difficile à croire !