Il y a peu, Marc, José et moi franchissions une nouvelle frontière, après un long périple en auto-stop en Thaïlande. Quelques jours après notre arrivée dans ce pays qu’aucun de nous ne connaissait, nous atterrissions à Luang Prabang et décidions de partir effectuer un trek de trois jours, le long du Mékong au Laos. Voici le bilan de cette aventure épique où longues marches, auto-stop et rencontres inoubliables le long du fleuve furent au rendez-vous…
Trek sur les rives du Mékong au Laos :
Peu de temps après notre arrivée dans ce nouveau pays, nous nous rendons donc à Luang Prabang. Ville touristique certes, mais qui n’est pas néanmoins désagréable à visiter. Située sur les rives du Mékong, nous profitons de cette escapade pour effectuer de charmantes promenades au bord de l’eau. Toutefois, nous souhaitons nous évader un peu en dehors de la cité et planifions donc une jolie aventure : nous allons faire du stop dans la région, mais également un long trek à pied. En effet, nous sommes impatients de nous imprégner un peu plus des eaux de ce fleuve mythique : l’un des dix plus grands au monde.
Un jour, j’écrirai un guide de voyage qui ne contiendra que des cartes, des adresses d’hôtels, et pour le reste des pages blanches : les gens devront ainsi se faire leur itinéraire unique, découvrir par eux-mêmes les restaurants, les monuments et les choses magnifiques que chaque ville contient mais dont on ne parle jamais parce que l’histoire que l’on nous a racontée ne les a pas incluses à l’article visites obligatoires.
Tiré de Le Zahir, un livre de Paolo Coelho
Ce fleuve prend sa source sur les hauteurs de l’Himalaya en Chine (Tibet), et plante son delta en plein Vietnam du Sud. Entre temps, il est possible d’admirer le Mékong au Laos, au Cambodge, et en longeant le Myanmar et la Thaïlande. Il fait vivre près de 70 millions de personnes : les eaux turbulentes de cette mère nourricière constituent donc un bassin versant incontournable en Asie.
C’est pourquoi nous quittons Luang Prabang et partons longer le fleuve en direction du Sud-Ouest : nous désirons barboter sur ces rives qui nous laissent rêveurs. Le plan ? Alterner marche et auto-stop. Les premiers kilomètres ne sont pas de tout repos : la ville est relativement étendue et nous la quittons à pied. De plus, le soleil ne nous épargne pas : ses rayons tentent constamment de nous priver de toute motivation. Pourtant, nous continuons d’avancer, impatients d’aller nous perdre dans l’inconnu.
Une première journée prometteuse :
Assez vite, l’étroite bande de goudron laisse place à une piste de terre que nous nous pressons de fouler. En fond de tableau, le Mékong apparaît ça et là, jouant à cache-cache avec ses curieux visiteurs. Tout autour de nous, la jungle dense et humide nous étourdit par ses bruits inquiétants. Pure citadine, j’ai beau faire le tour du monde depuis plusieurs années, je reste toujours méfiante envers les insectes (on ne se refait pas). Ici, tout indique qu’ils se comptent par millions : de quoi me tenir en alerte tout au long du trek.
Nous traversons bon nombre de petits villages où, ébahis, hommes et femmes nous dévisagent en interrompant toute autre activité. Ce sont dans ces circonstances que nous dînons, entassés sur un fragile banc de bois, de croustillantes galettes de riz soufflé. Le hameau au complet, réunit en grand cercle, nous assaille de sourires qui ponctuent le repas. Nous passons la nuit dans l’enceinte du temple du village, où deux moines aux traits débonnaires nous accueillent sans l’ombre d’une hésitation. Quelques mètres plus bas, le Mékong nous offre un coucher de soleil sur ses eaux scintillantes. L’instant est saisissant, solennel.
Après de maigres heures de sommeil (les moines se lèvent toujours vers quatre heures du matin, suivis de près par les coqs, les chiens et le reste de la bourgade), nous avalons d’un trait trois cafés bienvenus et il est déjà temps pour nous de faire nos sacs à dos. Un point d’eau situé au bord de la route nous permet de nous débarbouiller avant de repartir vers l’aventure, encore étourdis par la courte nuit.
Des rencontres peu banales :
Deux ou trois tracteurs issus d’une autre époque nous permettent d’avancer un peu plus vite qu’à la seule force de nos mollets. Après une matinée coriace, une rivière nous barre le chemin, il nous faut descendre de notre charrette et passer à gué. Quand nous décidons de sortir des sentiers battus, nous ne faisons pas les choses à moitié.
L’occasion pour nous de nous accorder une pause et de nous baigner dans une eau à peine troublée par la présence d’un buffle, qui pataugeant à quelques mètres de là, nous a donné envie d’en faire autant.
Retour sur la terme ferme, nous prenons un bon coup de chaud et une halte s’impose au prochain village. Le hasard joue en notre faveur : des festivités y ont lieu en l’honneur de Bouddha et nous sommes conviés à prendre place autour d’une table copieusement garnie. Nos godets d’alcool de riz ne désemplissent pas, nous épongeons tant bien que mal le tord-boyaux en avalant des escargots pimentés, de la soupe de courgette et du riz gluant. Contrairement à nos hôtes, nous ne brillons pas au karaoké mais cela suffit à éclairer les visages. Peu rancuniers d’avoir ainsi offensé toute âme mélomane, les villageois nous offrent trois ballotins de riz, que nous glissons sous nos bras avant de repartir brinquebalants : mon karma d’auto-stoppeuse est au beau-fixe, dirait-on !
Par je ne sais quel miracle, nous atterrissons à Natak après de nouvelles heures de marche sur une piste mutilant des hectares de bananiers. Notre tentative d’installer nos hamacs aux abords d’une école tourne à la catastrophe, un soldat armé nous fait signe de dégager fissa. Penauds, nous nous offrons le luxe d’acheter à emporter quelques brochettes de viande, des brioches et trois bières ; après une douche bien méritée dans les eaux du Mékong nous dévorons notre festin au clair de lune. C’est cachés dans une cabane en paille jouxtant la nationale 4 que nous sombrons, bercés dans notre sommeil par le vrombissement des dernières mobylettes.
Fausse route et retour sur nos pas :
Aux aurores, nous avalons pour quelques centimes de savoureuses galettes de riz et sommes pris en auto-stop par un 4×4 qui file à toute allure. Les culs sur la ferraille et les têtes en plein cagnard, nous nous enfonçons sur une route qui se perd dans la poussière. Le chauffeur nous abandonne là et nous poursuivons à pied, incontestablement certains de notre itinéraire. Il ne nous faut pas plus de vingt minutes de marche au soleil pour nous apercevoir que nous ne pourrons aller plus loin. Dépités, nous nous asseyons à l’ombre du seul arbre des environs. Des ouvriers d’un chantier voisin surgissent alors : c’est l’heure de la pause déjeuner.
Nous sommes une fois de plus invités à partager pitance et sourires. Riz, sauce au piment, bouillon de bambous et champignons noirs : ils nous reçoivent comme des rois sans pour autant parler anglais. Cette agréable halte nous remonte le moral, et bien que nous ayons à rebrousser chemin nous ne regrettons pas cette escapade mémorable – 150km de détour tout de même.
S’en suit une longue attente. Une très longue attente. Une véritable longue attente, nourrissant pourtant l’espoir de voir apparaître un quelconque véhicule. Un ange gardien croise enfin notre route, puis un autre, et de fil en aiguille nous gagnons Xieng Ngeun. L’estomac dans les talons, nous nous accordons une invraisemblable folie et courons dans le premier restaurant chinois, où pour 4€ nous commandons un dîner gargantuesque – nous n’en gaspillerons pas une miette et finirons même discrètement les restes des convives de la table voisine.
Nouvelle nuit dans une cabane en bois, bâtie comme par enchantement sur notre route. Quelques passants remarquent notre drôle de présence, mais personne ne nous déloge. Tant mieux, nous sommes épuisés et nos hamacs nous font rapidement de l’œil.
Enfin, après trois jours d’auto-stop au Laos et de randonnée aux abords du fleuve, nous rentrons éreintés à Luang Prabang où prendre une bonne douche sera notre priorité. Nous garderons précieusement le souvenir de cette virée le long du Mékong au Laos, et resterons à jamais reconnaissants envers tous les héros d’un jour que nous aurons rencontrés.
Pour aller plus loin, je vous invite à retrouver l’intégralité de mes récits de voyage, ainsi que la suite de cette aventure à travers la route de la Soie, dont nous approchons avec hâte à grands pas…
Quel beau dépaysement, superbement raconté ! Rien que par son nom, le Mékong est enchanteur. Astrid, on a l’impression d’être avec vous lorsque vous faites le récit de vos aventures, et votre enthousiasme et émerveillement traversent l’écran et nous enjoignent de « prendre nos cliques et nos claques » et voyager à notre tour ! Quelle belle aventure vous vivez là !
Coucou Nathalie ! Merci beaucoup pour votre gentil commentaire, vos mots me vont droit au cœur. Je suis heureuse de parvenir à vous faire voyager un peu à mes côtés, et je vous souhaite à votre tour de « prendre vos cliques et vos claques » et de vivre de belles aventures, peu importe où. Bonne continuation à vous, et au plaisir…
Je lis chacun de tes récits avec enchantement !
Merci Stéphanie!
Quelle excursion ! <3
Oui on s’en souviendra!!!
PS : j’ai oublié la meilleure
j’ai bien aimé la photo de Bill, le buffle à l’eau …
Pffff haha tu changes pas!
Les images sont belles!
Le coin était splendide… 🙂
encore un beau récit et de belles photos, merci
je patiente pour la Chine …
bonne route
biz
Merci Papi chéri!!! Gros bisous <3