Siem Reap. Je m’émerveille devant le temple d’Angkor Wat, prends une journée de repos, et décide de partir à la découverte du pays en stop, afin de rencontrer des cambodgiens et de partager quelques moments avec eux.
Je passe une heure sur Google Maps à repérer mon itinéraire, et aperçois un jeune en train de faire son sac à dos, un morceau de carton accroché sur le haut de sa besace. Il part aussi à l’aventure et demande sa route à un cambodgien :
Lui : Sorry! Do you know how can I leave the city?
Moi : If you need help, I can show you the way…
Lui : Mais… T’es française?
Moi : Rhooo tout le monde reconnaît mon accent! Oui je suis française, tu vas où comme ça?
Lui : Vers le Nord…
Blaise, le skater aux pieds nus :
Il s’appelle Blaise, il a trente-deux ans, et il est l’auto-stoppeur cool qui fait le tour du monde avec son skateboard.
Il doit partir dans la journée, vers le Nord donc, mais ses plans sont plutôt flous.
Blaise, c’est le genre de voyageur libre, qui se laisse porter par les rencontres qu’il fait sur sa route. Il sait juste qu’il veut aller comme ça jusqu’en Iran. C’est le genre de gars souriant, qui marche pieds nus, et qui cherche avant tout à aller à la rencontre de l’autre.
On discute, on sympathise, et je lui propose de se joindre à moi pour quelques jours. À ma grande surprise, il accepte et change son programme. Nous prenons la route ensemble quarante-huit heures plus tard, en direction de la province de Kratie.
Siem Reap – Kampong Cham :
Une heure de marche pour quitter Siem Reap. Il fait chaud, et c’est peu dire. Ici, pour faire du stop, il ne faut pas tendre le pouce. Il faut agiter la main, la paume vers le bas.
Le stop n’est pas pratique courante, et ça surprend tout le monde. On a droit à des dizaines de sourires, et on vit déjà un contact différent avec les habitants.
Moins de trois minutes d’attente plus tard, une première voiture nous embarque.
C’est ensuite au tour d’un camion, puis d’un minibus, et nous arrivons à Kampong Cham, où nous restons pour la nuit.
On est un peu fauchés tous les deux, on teste donc le camping urbain. On trouve un spot qui nous paraît parfait, sous des escaliers en béton, au bord du Mékong, que l’on admire pour la toute première fois. Comme je n’ai pas de tapis de sol, on part en ville à la recherche de quelques cartons et sacs de riz en jute, ça fera l’affaire!
Par hasard, nous tombons sur une fontaine, nous en profitons pour nous débarbouiller un peu, un grand luxe! Nous nous couchons vers 23h, il fait chaud là-dessous! Nous essayons de trouver le sommeil, mais nous nous rendons compte assez vite que nous avons été un peu trop optimistes, quant à notre capacité à dormir un peu n’importe comment.
Kampong Cham et notre hôtel 5 étoiles :
Lui : Il y a trop d’insectes! Je me fais bouffer!
Moi : Mais non c’est rien, dors!
Lui : Si il y a des moustiques partout!
Moi : Prends mon spray si tu veux, il est trop efficace.
Lui : Mais c’est quoi ces bruits là?
Moi : Un gros rat je crois. Ben t’es pas vacciné contre la rage toi?
Notre planque ressemble à une grande grotte, même si on ne peut pas y tenir debout. On y trouve de tout : divers déchets, crapauds, cafards, araignées, et de la poussière, beaucoup de poussière! Un rat n’arrête pas de bouger et fait trop de bruit. Blaise part à sa recherche, un bâton en main. Moi je suis couchée et j’ai la flemme de bouger, mais c’est trop marrant de le regarder chercher désespérément le rongeur. Je l’éclaire avec sa lampe, en lui disant de faire attention quand même.
Heureusement que Blaise ne me dit pas quand il trouve des cafards, il connaît déjà ma phobie et m’épargne ainsi quelques angoisses. Là, je vous passe les détails encore moins glamours, car la nuit est riche en rencontres en tous genres…
Après quelques heures de grattage de piqûres, de bruits bizarres, de comptage de gros cafards et de chaleur suffocante, on se décide enfin à monter la tente. On arrive ainsi à dormir environ quatre heures. Auto-stoppeuse professionnelle : un job de rêve.
Vers sept heures du matin, Blaise me réveille, et me prévient qu’on est déjà l’attraction du coin. Il y a un chantier à côté et tous les ouvriers nous regardent étrangement, on doit donc lever le camp. Comme récompense bien méritée pour nous être levés de si bon matin, nous restons sans voix devant le lever de soleil au dessus du Mékong.
Persuadée de pouvoir trouver une douche gratuite dans une guest house des environs, car il faut bien enlever l’épaisse couche de poussière qui nous colle à la peau, je tente ma chance et jackpot! Toujours envoyer une fille pour ce genre de mission, c’est plus attendrissant, car tout le monde le sait : nous sommes de petits êtres fragiles qui avons pour premier besoin vital d’avoir la peau douce.
Touché par mon sourire suppliant, un zimbabwéen nous propose d’utiliser les sanitaires de l’hôtel le plus chic du coin, et nous offre même deux grosses assiettes de riz frit en guise de petit déjeuner, avant de disparaître l’air de rien. Nous, on est les plus heureux du monde et on dévore notre riz comme si nous n’avions pas mangé depuis des jours. Nous reprenons ensuite notre route, repus.
Kampong Cham – Kratie :
Deuxième journée de stop, aussi fructueuse que la première. Une voiture, puis une charrette transportant du maïs, et une autre voiture climatisée (ça n’a pas de prix!) nous prennent : nous avançons bien. Le stop au Cambodge : un jeu d’enfant, incroyablement facile!
Dernier transport de la journée, et l’un des meilleurs de toute ma vie : un chauffeur routier au volant d’un camion rempli de briques nous fait monter à bord et nous grimpons sur le toit. Là, deux beaux hamacs bien tendus semblent n’attendre que nous.
Le camion redémarre et nous nous installons confortablement, tout en nous protégeant du soleil qui nous brûle littéralement la peau. Nous longeons le Mékong et en prenons plein les yeux. Indescriptible. Une heure de route plus tard nous nous écroulons de fatigue et nous nous endormons sous le vent, bercés par nos hamacs qui tanguent dans les virages.
Nous arrivons à Kratie mais dormons encore. Les deux jeunes chauffeurs ont du mal à nous réveiller et rient en tentant de nous faire émerger de notre sommeil profond. Nous descendons d’une façon plus ou moins acrobatique, et reprenons nos esprits. Entre temps, nos nouveaux amis se sont assis dans un restaurant juste à côté et nous proposent de goûter leur plat. Ok! Hum c’est bon ce truc! C’est quoi? Ah c’est du chien? Ah… Ils commandent une seconde assiette qu’ils nous offrent : adorables. Une assiette de chien au petit déjeuner, plutôt inattendu. Hé ben, merci les gars!
En face, un grand temple nous intrigue, et nous décidons d’y pénétrer…
Kratie : une nuit dans un temple bouddhiste
Nous sommes dans l’enceinte du temple, assis sur un banc, et il se met à pleuvoir des cordes. La mousson, ça ne prévient pas! Des gosses accourent et nous invitent à nous mettre à l’abri avec eux. L’un d’entre eux, Samsan, parle très bien anglais. Il a treize ans, et vit ici : les moines l’ont accueilli parmi eux, comme d’autres enfants que nous rencontrerons par la suite.
Il nous demande où nous dormons ce soir, et comme nous ne savons pas, il nous propose immédiatement de nous loger dans sa chambre. Trop mignon, nous sommes très touchés et acceptons avec joie.
Après la pluie, nous posons donc nos sacs dans la petite chambre qu’il partage avec un jeune moine. Il nous apporte un ventilateur, puis nous achète une glace avec les quelques sous qu’il doit avoir de côté. Tellement gentil!
Le soir, les moines organisent un évènement important pour fêter le retour de leur chef, parti trois mois aux États-Unis. Nous sommes conviés à nous joindre à eux et assistons ainsi à notre première cérémonie bouddhiste. Tout le monde nous accueille avec un grand sourire.
La cérémonie se déroule en khmer, et les discours durent environ deux heures. Nous décrochons un peu complètement : nous sommes vraiment concentrés pour nous asseoir correctement, dans une position qui nous est très inconfortable car nous ne sommes pas habitués. Nous cherchons une technique pour que le sang circule malgré tout dans nos membres endoloris, et nous nous demandons bien comment font tous ces moines pour rester assis comme ça pendant des heures!
Eux n’ont pas l’air d’aller trop mal. Il y a des moines très jeunes qui n’écoutent pas grand chose : ils sirotent des Coca-Cola, jouent avec leurs téléphones, se jettent des trucs les uns sur les autres ou se mettent des fleurs dans le nez pour rigoler. Derrière eux, trois chats courent partout en faisant un bruit pas possible, bref, il y a de l’animation, et contre toute attente nous passons notre soirée à rire, le plus discrètement possible.
Nous partons du temple le lendemain, afin de ne pas trop déranger Samsan, mais passons quand même une partie de la journée avec lui et ses amis. Les enfants s’amusent comme des fous avec le skateboard de Blaise. Nous les voyons aller et venir comme s’ils en avaient fait toutes leur vie! Blaise pourra se targuer d’avoir fait skater des moines, la classe. Nous quittons les lieux encore sous le coup de l’émotion, nous avons reçu tant de générosité et avons passé de si bons moments en leur compagnie que nous avons encore du mal à réaliser notre chance.
Kratie : mission dauphins d’eau douce
Nous trouvons un hôtel assez chic mais négocions une chambre à seulement 2€ chacun par nuit. Nous avons entendu parler de dauphins d’eau douce qui se trouveraient dans les environs, et décidons d’aller y jeter un œil en auto-stop. Arrivés sur place, nous apprenons que l’entrée du site officiel coûte 9$, c’est hors-budget pour nous.
Nous marchons donc environ une demi-heure pour nous éloigner, et descendons sur les rives du Mékong. Nous cherchons les dauphins, qui se cachent bien. Au loin, plusieurs bateaux de touristes empruntent tous la même direction, nous les suivons à pied.
Ils s’arrêtent au même endroit et nous faisons de même. Blaise se perche en haut d’un arbre, moi je guette les dauphins à l’aide du zoom de mon appareil photo car nous sommes un peu loin, et nous patientons. Nous aussi nous voulons les voir, ces dauphins!
Quelques dizaines de minutes plus tard, c’est chose faite! Ils remontent pour respirer de temps en temps, et nous les apercevons brièvement. Nous sommes aux anges! Bon, on ne voit pas super bien, mais ça nous suffit amplement et nous profitons de l’instant comme il se doit. Mission dauphins réussie!
Kratie : 24h à moto
J’avais pensé louer une moto il y a quelques jours mais je n’étais pas trop rassurée. Blaise sait conduire, alors nous négocions une moto à 2,5$ chacun pour 24h. Nous laissons nos sacs à la réception et partons à la découverte du village de Sambor, perdu en haut d’une montagne. J’ai un chauffeur gratuit, lui a l’air d’aimer conduire, tout le monde est content!
Sambor est un lieu de méditation où les moines viennent se recueillir. Nous sommes cette fois encore accueillis chaleureusement. De là-haut, nous avons un panorama exceptionnel sur la région.
Nous redescendons et regagnons à nouveau les rives du Mékong. Nous roulons longuement à travers de nombreux villages, toutes les maisons sont bâties sur pilotis, probablement pour se protéger de l’eau du fleuve qui doit monter.
Nous trouvons un endroit reculé et décidons d’y planter la tente, juste au bord du Mékong. Le lieu est splendide et reposant. Des pêcheurs regagnent la rive sur des petits bateaux. La pêche semble avoir été fructueuse, ils nous offrent une cinquantaine de petits poissons!
Ils coupent un morceau de bambou à la machette pour y glisser les poissons, comme sur une grosse brochette, et nous les faisons cuire sur un feu de camp, accompagnés d’une grosse assiette de riz qu’ils nous ont apportée.
Ça tombe bien, nous n’avions rien à manger pour ce soir. J’avais construit une canne à pêche car nous avions un petit creux, mais n’ayant jamais pêché de ma vie, nous n’aurions pas eu grand chose à nous mettre sous la dent (mais elle était belle quand même!).
L’instant est magique. Nous passons une soirée exceptionnelle. Le lendemain matin, les pêcheurs nous offrent un bon café, et nous regardent souriants nous rafraîchir le visage dans l’eau du fleuve.
Des pays, j’en ai visité un paquet durant mon tour du monde. Des histoires insolites, j’en ai connu plus d’une. Mais mon aventure cambodgienne est différente. Elle se démarque par l’intensité de tous ces moments forts que nous vivons au quotidien. Nous avons l’impression que chaque journée passée ici est remplie de milliers d’instants si simples et pourtant si émouvants. Nous sommes dans un tout nouveau monde qui nous surprend seconde après seconde. Les cambodgiens font preuve d’une gentillesse extrême avec nous, qui se confirmera encore et encore par la suite. Je vous le raconterai bientôt, il y a tellement de choses à dire!
Le Cambodge en auto-stop, c’est emprunter une route immensément riche : des moments totalement décalés, de nombreuses découvertes, et avant tout des rencontres qui resterons gravées dans nos mémoires et dans nos cœurs…
Et pour aller plus loin, je vous invite à découvrir les articles suivants :
- La suite de mon aventure en auto-stop au Cambodge ;
- Tous les carnets de route de mon voyage au Cambodge ;
- Une série d’articles sur le stop dans les pays voisins (en détails : auto-stop en Thaïlande / auto-stop au Vietnam / auto-stop au Myanmar / auto-stop en Malaisie / auto-stop au Laos) ;
- Et l’intégralité de mes récits de voyage…
Enfin, n’hésitez pas à partager votre expérience avec nous dans les commentaires!
Cool d’apprendre que le stop est facile au Cambodge! Je pars en tour du monde fin septembre et j’irai au Cambodge cet hiver (pour la seconde fois, pour voir une gamine que je parraine).
Ce serait sympa si tu avais un classement des pays par facilité de faire de l’auto-stop!
Coucou Vincent! Alors je te souhaite de vivre une magnifique aventure autour du monde! Pour l’instant pas de classement, mais pour être honnête, à part en Espagne et en Italie où j’ai connu quelques galères, le stop fut facile à peu près partout où j’ai pu le tester 🙂 Je garde toutefois ton idée dans un coin de ma tête! Bon voyage à toi 🙂
salut
juste pour savoir je par au Cambodge début mai et donc c’est comment exactement le signe a faire au lieu de lever le pouce?en tout cas génial ce que ta fais la
Salut Quentin! Merci pour ton message 🙂 Le geste au Cambodge était d’agiter la main vers le bas, comme pour faire signe aux voitures de s’arrêter en fait. Mais ne t’en fais pas : tout le monde se demandera ce que tu fais tout seul au bord de la route, et tu n’auras aucun mal à trouver quelqu’un de sympa pour te déposer un peu plus loin! Tu peux aussi lire quelques conseils ici : http://hitchwiki.org/fr/Accueil
Bonne route à toi, je suis sûre que tu vas en prendre plein les yeux et faire de magnifiques rencontres… 🙂
Génial votre article !
Sacré voyage apparemment.
Plus je lis de choses sur le Cambodge et plus je me dit: « Il faut que tu y ailles! »
Et votre article me pousse dans ce sens également !
Cédric @ Pixels du bout du monde.
Merci! Le Cambodge a vraiment été un temps fort de mon tour du monde, et un pays où je souhaite voyager à nouveau… Une seule chose à te dire : fonce!!! 🙂
formidable ce nouveau « reportage »
quelle intensité, quelle diversité
vivement le part #2 !
bonne route et gros bisous