Il existe autant de manières de faire du bateau-stop que d’embarcations flottantes. Du voyage initiatique poétique en voilier, à l’expérience pratique en ferry, je souhaitais interviewer quelques voyageurs ayant traversé mers ou océans sur le pouce. Voici le récit de leurs aventures extraordinaires, sur des eaux calmes ou déchaînées, un peu partout autour du globe…
Sarah, la navigatrice fauchée :
On ne peut pas dire que l’eau soit mon élément. Je n’ai jamais su plonger, je n’aime pas immerger ma tête, je panique dès que je vois un poisson et mes connaissances en natation consistent à essayer de ne pas couler. Pourtant, la mer me fascine. L’océan surtout. Et au début de l’année 2017, je me suis lancé un défi : traverser l’Atlantique en bateau-stop. Apprendre de cet univers qui m’est totalement inconnu. J’ai rejoint Gibraltar en auto-stop, et très vite trouvé un capitaine prêt à m’embarquer comme équipière. Prêt à me donner ma chance, bien que je ne sois jamais montée sur un bateau de ma vie.
Vingt-cinq jours en mer. Plus de trois semaines enfermée sur un voilier, jour et nuit, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige (rarement, je l’avoue), avec peu de repos et peu d’intimité. Autant vous dire qu’en trois ans de voyage, je ne suis jamais autant sortie de ma zone de confort. Il m’a fallu beaucoup de persévérance, mais j’appris à garder le contenu de mon estomac en place, à apprécier le malmenage des vagues et les vents salés, les quarts sous la pluie, la cuisine spartiate, la promiscuité.
La navigation est un monde à part, passionnant. J’aime le temps suspendu, les distances que l’on compte en jours, les dauphins, les oiseaux solitaires, les étoiles et le vent, les levers et couchers de soleil. Aujourd’hui – bien que ce n’était pas gagné – je comptabilise plus de 5’000 miles nautiques, j’ai traversé le tiers du monde grâce au vent, et j’ai été engagée sur un bateau des célèbres Sea Shepherd. Pari gagné ! C’est peut-être ce que j’ai fait de plus fou : tout plaquer et grimper dans le premier bateau qui passe alors, si la mer t’appelle… réponds !
Sarah Gysler, du blog L’Aventurière Fauchée
Rémi, le capitaine écrivain :
Je ne sais pas si mon expérience rentre dans le bateau-stop puisque je n’ai pas été frapper à la porte des voiliers pour faire une trans-Atlantique. J’ai plutôt opté pour la technique des petites annonces de cobaturage sur Internet. Je scrutais en permanence les offres sur différents sites de bourse aux équipiers afin de trouver le capitaine qui voudrait bien prendre un néophyte sur son bateau. Je n’ai jamais fait de voile et ce n’est pas à mon avantage. Par contre, je suis motivé comme jamais, j’ai envie d’apprendre et je suis flexible au possible quant au port et à la date de départ.
Après quelques semaines de recherche, bingo ! Je partirai de Martinique en direction de La Rochelle, avec un équipage composé de trois autres personnes, tout ça sur un voilier de 10 mètres de long. La rencontre avec les trois autres équipiers est chaleureuse. Je sens tout de suite que le courant passe bien. Nous sommes tous excités de partir dans une telle aventure. On s’apprête à passer une trentaine de jours au milieu de la mer et coupés du monde.
Je suis le seul à bord à n’avoir aucune expérience du monde de la mer. Tant mieux, je vais pouvoir en apprendre encore plus sur le métier de matelot. Les deux premiers jours sont horribles tellement je me sens mal. J’ai envie que tout s’arrête mais c’est trop tard pour faire demi-tour. Heureusement, le mal s’estompe et je peux enfin prendre mon pied sur le bateau. Les couchers et levers de soleil ne se comptent plus, les dauphins viennent nous rendre visite quand on les attend le moins, le soleil n’arrête pas de nous chauffer et de nous émerveiller. On refait le monde autour de repas préparés pendant des heures, et oui il faut bien passer le temps sur le bateau. On s’essaye à la pêche et seules les algues s’accrochent à l’hameçon. Je pourrais vous parler des heures de cette expérience tellement elle a été enrichissante. D’ailleurs, j’en ai même écrit un livre : Et si je traversais l’Atlantique en voilier. Un mélange entre journal de bord et livre d’aventure. J’y partage mon histoire personnelle, ainsi que mon quotidien sur le bateau. Mon seul conseil si vous souhaitiez sauter le pas, c’est de foncer et d’oublier toutes ses peurs !
Rémi Le Calvez, du blog Capitaine Rémi
Emily, la pirate des Caraïbes :
Le voilier-stop a été pour moi la meilleure façon de visiter les îles des Caraïbes. En effet, ces dernières sont chères et les vols entre chaque île sont vraiment hors de prix pour la distance parcourue. Et bien que les îles soient proches les unes des autres, il n’y a quasiment pas de ferry. J’ai donc décidé de le faire en voilier-stop. J’ai commencé en Guadeloupe et mon intention était d’aller jusqu’à Trinidad et Tobago en bateau-stop pour le carnaval de Trinidad.
J’ai rencontré mon premier capitaine de bateau en Guadeloupe par hasard, il m’a emmenée jusqu’en Martinique, en passant par la Dominique. Puis j’ai demandé dans les marinas en faisant le tour des bateaux, avec mon plus beau sourire. J’ai trouvé un Français qui m’a emmenée de Martinique à Sainte-Lucie. Et ma meilleure expérience a été de rencontrer un groupe de six Suédois sur un voilier, avec qui j’ai visité Saint-Vincent-et-les-Grenadines. On s’est tous très bien entendus, c’était une super expérience. Enfin deux Anglais m’ont emmenée à Grenade. Et de là, j’ai pris un vol pour Trinidad car si je cherchais un bateau, je loupais le carnaval.
Faire du voilier-stop dans les Caraïbes est plus ou moins facile suivant la chance qu’on a, mais ça peut prendre du temps. On doit parfois attendre plusieurs jours que le bateau nous emmène où on veut aller. Il faut donc avoir du temps, et un peu de chance aussi. C’est une expérience que j’ai adorée et que je renouvellerais bien.
Emily, du blog Travel and film
Florence, l’experte du bateau-stop :
Traverser l’Atlantique en voilier-stop en juillet 2013 marquait le début de mon tour du monde exclusivement en auto-stop, bateau-stop et même avion-stop. Grâce à une vidéo de présentation publiée sur des forums de voile, sur des groupes Facebook, dans mes mails aux capitaines (via la bourse aux équipiers) et aux agences de convoyage (ex : Latitude Ocean), j’ai réussi à me faire remarquer. Au bout de trois semaines de recherche, j’étais contactée par un capitaine me proposant de l’accompagner au Brésil pour livrer un voilier flambant neuf. La suite de l’histoire est racontée sur mon blog. Je découvrais soudainement la voile, la vie en mer, et que le bateau-stop c’était possible, à condition d’être flexible avec son emploi du temps.
J’ai aussi fait beaucoup de ferry-stop, soit en convaincant le capitaine de m’emmener gratuitement, soit en demandant aux compagnies de m’offrir un billet en échange de photos ou vidéos promotionnelles. En France, je travaillais comme journaliste reporter d’images, donc ça me semblait logique d’offrir ce que je savais le mieux faire. Mais ça aurait aussi pu être un concert de musique à bord, ou pourquoi pas des portraits des passagers, un spectacle de magie, une conférence, des ateliers de je-ne-sais-quoi… Dans les Caraïbes, en échange des mes clips vidéos, j’ai obtenu un billet aller-retour de ferry entre le Panama et la Colombie. Les seules conditions : être disponible dès le lendemain pour filmer un week-end de croisière dans des îles paradisiaques, avant de filer en Colombie. En plus d’avancer dans mon trajet, je découvrais de superbes endroits et j’étais accueillie, nourrie, logée. Je n’aurais pas pu rêver mieux. Pour la petite histoire, la compagnie a fait faillite six mois plus tard. Mais je vous jure, les vidéos étaient sympas !
Quatre ans et demi plus tard, je continue toujours mon tour du monde. Il y a quelques jours au Sud du Laos, j’ai descendu un bout du Mékong en pirogue. C’était mon 20ème bateau-stop ! Sept ont été trouvés via internet et treize en demandant directement dans les ports ou les bureaux des compagnies de ferry. Selon mes statistiques personnelles, vous aurez donc plus de succès en allant demander directement. Le bateau-stop est un véritable apprentissage de patience et de sang-froid. Et surtout, souvenez-vous que chaque non vous rapprochera d’un oui !
Florence Renault, du blog Le monde sur le pouce
Mes tongs et moi, petites joueuses :
Pour ma part, les courtes expériences de bateau-stop que j’ai pu vivre durant mon tour du monde sont bien moins poétiques : quelques ferries pris çà et là, entre le Botswana et la Zambie, entre la Grèce et l’Italie, entre l’Espagne et le Maroc. Que de bons souvenirs, car ayant systématiquement eu recours aux routiers, ces derniers m’ont ensuite couverte de petites attentions, me sortant le grand jeu à bord. Une fois en mer, je n’ai d’ailleurs jamais hésité à chercher un véhicule susceptible de m’acheminer plus loin par la suite, ce qui a toujours fonctionné : carton plein ! Pour le côté appel du large, par contre, on repassera…
En deux mots, si vous souhaitez tenter le coup, rendez-vous directement sur les parkings où se garent les nombreux camions avant d’embarquer, et discutez avec les chauffeurs avant leur enregistrement, ou bien jouez-leur un brin de musique en écrivant votre destination sur un panneau. Bon nombre d’entre eux peuvent bénéficier gratuitement d’un second ticket censé être attribué à leur copilote, qu’ils vous offriront peut-être en échange d’un grand sourire et d’un bout de conversation. Une façon simple de poursuivre votre voyage en stop, même à travers la mer. Bref, soyez têtu (mais souriant), le monde vous le rendra !
Avant de conclure, je tenais à remercier chaleureusement les quatre aventuriers cités plus haut, qui ont accepté de partager leurs aventures en bateau-stop avec nous. Je leur souhaite à tous de garder le vent en poupe, et de continuer à poursuivre leurs rêves, là où les flots les mèneront…
Autres conseils pour faire du bateau-stop :
Il existe une multitude de techniques, bien que certains bateau-stoppeurs vous diront que vous n’avez pas besoin de vous préparer, pour réussir votre aventure. Toutefois, je vous invite à jeter un œil au quelques conseils qui suivent, afin de mettre toutes les chances de votre côté :
- Communiquez : Parlez de votre projet autour de vous, sait-on jamais, puis faites vos premières recherches sur les sites spécialisés de cobaturage et de petites annonces (comme sur la bourse aux équipiers), ainsi que sur les réseaux sociaux (il existe par exemple plusieurs groupes de bateau-stop sur le site Couchsurfing).
- Lisez : Renseignez-vous sur les différentes routes maritimes, ainsi que sur leur période de fréquentation. Jetez un œil aux quelques recommandations du site Hitchwiki, une référence en matière de stop (le dossier est plus complet dans sa version en anglais).
- Apprenez : Sachez au minimum faire quelques nœuds, cette compétence sera toujours utile sur un bateau. De même, apprenez le vocabulaire de base utilisé en mer (bâbord, tribord…). Des connaissance diverses, en langues étrangères, cuisine, mécanique, et la pratique d’un instrument de musique seront par ailleurs des atouts indéniables. Attention toutefois, restez honnête quant à vos compétences sans quoi, gare aux mauvaises surprises.
- Osez : N’hésitez pas à vous rendre directement au port et à entrer en contact avec les marins et capitaines.
- Contribuez : Soyez prêt à mettre la main à la poche et à participer aux frais liés à votre consommation personnelle à bord, ou au carburant (voire même plus sur les cargos, réputés difficile à prendre en stop).
- Prévoyez : Ayez dans votre sac une tenue imperméable, une lampe de poche de qualité, un couteau suisse, vos médicaments habituels (et contre le mal de mer), une paire de gants en néoprène, des chaussures spéciales pour la voile, de quoi vous protéger du soleil et du froid, un bon livre sur le sujet ainsi qu’un petit carnet de bord et un stylo.
- Tentez : Laissez libre court à votre imagination, certes faire du bateau-stop sur un voilier doit être une expérience vraiment extraordinaire, mais ne vous limitez pas à ce seul type d’embarcation, osez tenter votre chance sur un ferry, une barque de pêcheur, voire un radeau de fortune !
Et pour aller plus loin, vous pouvez retrouver l’intégralité de mes articles relatifs à la pratique du stop, notamment mon guide complet pour faire de l’auto-stop, ainsi que mes différents conseils aux voyageurs et un autre article collaboratif évoquant le voyage hors sentiers battus.
Enfin, si vous avez déjà eu l’occasion de faire du bateau-stop, je vous laisse partager votre expérience avec nous dans les commentaires ci-dessous !
Cela fait un moment que l’idée d’un tour du monde tourne dans ma tête et je pars donc l’année prochaine 🙂 Je comptais me rendre au Brésil en première étape par avion mais j’ai découvert le bateau stop maintenant haha
J’ai une question, en général la participation à la caisse de bord est assez élevée. Peut-on réduire les coûts ? Je n’ai pas d’expérience de navigation mais je pensais à aider plus le capitaine ou autre.
J’essaye de voyager avec le moins d’argent possible, réduire les coûts sur les transports, logements, etc. En mode routard et échange de services.
Article intéressant sinon 🙂
Salut John, et merci pour ton message! Toutes les infos en ma possession sont sur cet article, je ne peux donc pas t’en dire plus au sujet du bateau-stop, car il n’y a pas de règle absolue… Dans tous les cas, je te souhaite une belle traversée, et de vivre des moments magiques durant ton tour du monde!
Énorme cette nouvelle façon de faire du stop !
Faut-il aussi tendre le pouce ☺ pour que ça marche ?
Moi qui adore la mer je vais essayer, merci pour cette article très intéressant.
Merci pour ton message, tu peux essayer de tendre le pouce haha, sait-on jamais ! 🙂
Hyper intéressant ce que tu raconte sur les routiers et leur deuxième ticket, je n’aurais jamais pensé à ça ! On y revient toujours, les routiers et le stop, c’est une longue histoire… 😉
Oui, sans eux, par moment, nous n’irions pas bien loin !
merci, très intéressant, ça donne des idées !pp
c’est bien ce que je pensais: maintenant tu nous mènes en bateau …
grosses bises
Haha! Merci, gros bisous