Je vous racontais récemment notre mémorable road trip en auto-stop en Thaïlande, effectué en compagnie de José et Marc. C’est avec mes deux joyeux lurons que cette épopée hasardeuse se poursuit dans le pays voisin : nous venons d’effectuer plus de 1700 kilomètres en auto-stop au Laos. Une aventure à l’état pur mêlant bonne humeur, fascination et émotion…
Auto-stop au Laos & routes féériques :
Depuis Luang Prabang, nous souhaitons descendre vers Vang Vieng afin d’admirer les paysages uniques qu’offrent les alentours de la ville. Ainsi, nous rejoignons la nationale 13 et piquons au Sud. Une fois Phou Khoun derrière nous, la portion menant à Kasi nous laisse sans voix. De ma vie, à part peut-être lors de mon road trip en Norvège ou de mon voyage en van en Écosse, je crois bien n’avoir jamais fréquenté de routes aussi spectaculaires.
À mesure que nous gagnons de l’altitude, la jungle laisse place à une végétation beaucoup moins dense, me rappelant avec émotion un petit semblant d’Auvergne. De minuscules et charmants villages semés à travers champs nous distraient de la dangerosité du trajet – à l’arrière de notre pick-up, nous fonçons à toute allure sur des pentes atteignant 12,5% de dénivelé. Cela nous permet de devancer de justesse la pluie qui nous nargue sans pour autant nous rattraper.
La suite n’est pas en reste. De Kasi à Vang Vieng, l’asphalte dévoile peu à peu des montagnes semblant jaillir du sol puissamment, emportant sur leurs hauteurs une partie de la jungle. Nous emmagasinons ces images silencieusement, et faisons de notre mieux pour nous imprégner de ces tableaux qui défilent bien trop vite. À contre-cœur notre périple du jour prend fin et, brutal retour à la réalité, nous passons les portes de Vang Vieng.
Vang Vieng et ses alentours :
Arrivés poussiéreux et en fin de journée, nous décidons de trouver un hostel où passer la nuit. Nos bagages déposés, nous faisons le tour de la ville qui ne nous séduit guère. Dès le lendemain, nous décidons donc de faire nos sacs à dos et de nous enfoncer en pleine jungle. Deux chiens nous emboîtent le pas en remuant la queue, nous ne savons pas encore que ces fripons nous entraîneront plus tard dans une situation périlleuse…
Avec nos deux nouveaux amis à qui nous n’avons rien demandé, nous suivons ainsi un chemin étroit, baissant les têtes pour échapper aux lianes. Nous découvrons une petite plage le long de la rivière Nam Xong et couverts de sueur, nous nous accordons une pause. Nous sommes déjà rendus à plusieurs kilomètres de notre point de départ et les canidés s’allongent à nos côtés. Ces drôles de boules de poils nous prennent visiblement pour leurs maîtres.
Nous poursuivons plus profondément dans la jungle, les bêtes ne s’éloignant jamais à plus d’un mètre de nos pieds – ce qui se révèle être extrêmement pratique pour avancer. Une immense grotte apparaît alors devant nous et nous décidons d’escalader les rochers pour y pénétrer. Quelques fragiles constructions de bois nous facilitent l’accès, et nous interdisons aux chiens de nous suivre plus haut. Ces deux bêtes vouées d’une intelligence hors pair s’empressent de nous désobéir et parviennent étonnamment à atteindre la grotte, perchée à flanc de montagne. De là, nous jouissons d’une vue imprenable sur les alentours, et nous croirions presque plongés au cœur du film Avatar. Nous pénétrons ensuite dans les ténèbres et visitons l’immense intérieur du site, avec pour seule compagnie quelques timides chauves-souris.
La fin de journée approchant, nous rebroussons chemin. Évidemment, les cabots – aussi acrobatiques qu’ils soient – ne peuvent en faire autant. À cet instant, c’est quitte ou double : soit nous parvenons à les sortir de là, soit ils mourront de soif ou de faim. Je me serais bien passée de cette nouvelle expérience forcée de pet sitting. Fort heureusement, les garçons réussissent à porter un à un ces deux lourdauds, et à descendre l’échelle les chiens tremblotant dans leurs bras. Soulagée, j’en ai les larmes aux yeux, nous n’aurions définitivement pas pu les laisser là. Les deux bandits passeront le reste de la journée à nos côtés comme si de rien n’était, et retrouveront dans la soirée leur propriétaire qui ne parlant pas anglais, ne se doutera jamais de leur excursion à haut risque !
Nous campons ensuite dans un champ faisant face aux montagnes, géantes de roche qui nous évoquent le souvenir des reliefs de Hpa-An au Myanmar, et ceux de la Baie d’Ha Long au Vietnam. Le lendemain, notre virée en auto-stop au Laos reprend. Après une étape à Xieng Khouang près de la plaine des jarres, nous entreprenons de remonter plein Nord afin d’atteindre la frontière vietnamienne.
Un laborieux dernier trajet de 700 km :
Vous avez été nombreux à me contacter dernièrement sur mon blog, afin que je vous donne quelques conseils pour sortir des sentiers battus. Il est temps pour moi de vous révéler l’envers du décor, de quitter l’image de carte postale et de vous parler de ces journées loupées, où difficultés et découragement se jouent du voyageur.
Nous entamons la dernière partie de notre virée laotienne, et le destin ne nous épargne pas. Nous brûlons des heures durant sous un soleil diabolique, marchons sur des routes de montagne où le bitume fond littéralement sous l’effet de la chaleur, gelons en altitude dans nos hamacs sans avoir de duvet, mangeons de la poussière de jour comme de nuit, et bivouaquons dans des zones humides et moroses où nous ne comptons plus les piqûres de moustiques. Bref, nous sommes bien loin du pays des merveilles, ce qui nous rappelle que vivre une grande aventure nécessite parfois d’en payer le prix fort.
Ainsi, notre dernière semaine est parsemée de moments de coups durs, de coups de chaud et de coups de fatigue. Pourtant, jamais nous ne regrettons notre choix de faire du stop au Laos. En effet, malgré les obstacles qui s’accumulent, nous trouvons ça et là quelques instants de bonheur, dans de petites oasis semées en route. Nous traversons à pied de minuscules villages où toute vie s’arrête le temps de notre passage, à part quelques coqs poursuivant leurs combats sous nos yeux attristés. D’une bicoque à l’autre, nous recevons sourires ou verres d’alcool de riz, dès les premières heures de la journée. Nous ne communiquons qu’avec des signes, et rions pourtant aux éclats.
Nous rencontrons également une bande de huit vietnamiens, partis vivre une grande aventure en 4×4 à travers le Laos. Si je sens bien que je perturbe un peu l’atmosphère virile qui règne dans l’habitacle, les quatre gentlemen qui m’acheminent sont toutefois aux petits soins avec moi. Avec José (qui circule dans le véhicule suivant le mien), nous communiquons par talkie-walkie ce qui est une première – du moins nous essayons car nous oublions tous deux de presser le bon bouton au moment adéquat. Avant de nous quitter, nos vaillants aventuriers nous offrent un copieux repas, découpant à la machette un poulet qu’ils nous servent en signe d’amitié et de fraternité.
Plus tard, c’est repus que nous atteignons Nong Khiaw, où nous installons nos hamacs au bord du fleuve. Ce soir, nous pourrions faire beaucoup d’envieux : près de cette ville touristique où nous dormons, nous sommes les seuls à nous laisser posséder par la nature. Ces joies sont intenses car elles nous sortent quelques instants de la galère dans laquelle nous nous sommes empêtrés. Sans avoir traversé d’épreuves, nous n’aurions savouré ces moments magiques avec le même appétit.
Courir après un rêve, cela a un prix. Cela peut exiger que nous abandonnions nos habitudes, cela peut nous faire traverser des difficultés, cela peut nous conduire à des déceptions, etc. Mais aussi élevé que soit le prix, ce n’est jamais aussi cher que le prix payé par celui qui n’a pas vécu. Parce que cette personne va un jour regarder en arrière et elle entendra son propre cœur dire : « J’ai gaspillé ma vie »
Tiré de Adultère, un livre de Paolo Coelho
Arrivés à Muang Kham, nous dégotons l’endroit parfait pour camper en toute tranquillité : une maisonnette et un jardin privatif abandonnés dans les rizières, de quoi satisfaire notre passion commune pour l’exploration rurale. Au petit matin, nous devons zigzaguer au cœur d’un troupeau de buffles pour rejoindre la route : l’endroit n’était donc pas si désert que cela ! Au fil du temps, nous adaptons de plus en plus notre rythme à celui du soleil. Enfin, pour être honnête, surtout en ce qui concerne l’heure du coucher : depuis plusieurs jours nous nous endormons aux alentours de vingt heures (ce qui ne nous empêche pas de somnoler ensuite jusqu’à sept ou huit heures du matin, manifestement rompus).
L’école à la fête :
Le lendemain, nous sommes conviés par hasard à une fête dans une école primaire, donnée en l’honneur de Bouddha – même si les détails nous ont échappé. Nos hôtes dévoués se chargent de fourrer à la main du tartare de bœuf dans nos cuillères, avant d’enfourner ces dernières droit dans nos bouches. Et hop ! Si certes nous ne mourrons pas de faim, nous nous questionnons tout de même sur les effets à venir de la boisson que l’on nous fait avaler cul sec, dans une jarre en terre cuite, à l’aide d’une paille en bambou.
Et puis qu’importe, finalement nous lâchons prise. Nous picolons alors joyeusement avec les instituteurs et nous gavons à leur demande de viande hachée crue et de couenne de porc (politesse, quand tu nous tiens…). Quant au reste, nous verrons bien demain.
Je passe là l’une de mes meilleures journées en tant qu’auto-stoppeuse. Si la professeur d’anglais n’est pas d’une grande aide pour communiquer (ayant tout de même du mal à comprendre what’s your name), l’alcool coulant a flot délie bien des langues et c’est parfaitement bilingues que nous plantons en fin de soirée nos hamacs dans la cour de récréation.
Les premiers gamins arrivent vers six heures du matin et nous plions bagages après une rapide douche dans la rivière du coin. Afin de remédier à notre gueule de bois, on nous offre ensuite quelques verres de liqueur de plante que nous sommes sommés d’avaler d’un trait. Il est à peine huit heures, nous n’avons pas déjeuné et je rends les armes, mon estomac n’allant pas résister encore longtemps à ce rythme.
C’est sur cette dernière note – scolaire – surprenante que nous terminons notre aventure en auto-stop au Laos. De Muang Khua à Dien Bien Phu, nous effectuons ensuite un trajet en bus de 100km, car Marc a pris de l’avance et nous sommes en retard pour le rejoindre en auto-stop au Vietnam.
Faire de l’auto-stop au Laos :
Avant toute chose, sachez que faire de l’auto-stop au Laos n’est pas chose courante, comme dans le reste de l’Asie du Sud-Est. Vous rencontrez peu de gens habitués à cette pratique – d’ailleurs, beaucoup de conducteurs que nous avons rencontrés n’étaient pas laotiens, mais chinois ou vietnamiens – à vous de savoir expliquer votre démarche ! Voici toutefois quelques conseils pour celles et ceux qui souhaiteraient franchir le pas.
- Le trafic : la principale difficulté que nous avons dû affronter sur place est la faible fréquentation des routes. Dès que l’on s’éloigne des rares nationales où le trafic est régulier, il est possible de passer plusieurs heures sans croiser aucun véhicule. Il faut souvent s’armer de patience et marcher de longues heures avant de trouver le moyen d’avancer plus vite : la slow life par excellence.
- L’itinéraire : Compte-tenu de la lenteur qu’impose le fait de faire de l’auto-stop au Laos, ne prévoyez pas des étapes trop longues, à moins de miser lourdement sur votre bonne étoile… Mieux : prévoyez une tente ou un hamac et laissez-vous porter au gré des conducteurs. Excellent moyen de sortir des sentiers battus et de bivouaquer dans des zones reculées (le camping sauvage est légal et il est souvent possible de dormir dans des temples). Aussi, il est préférable de bien connaître votre itinéraire avant de vous lancer, cela vous évitera de vous perdre en chemin ! Sachez que le pays est très montagneux et que les routes font souvent de longs détours afin de contourner les massifs.
- Le climat : Au Laos, il peut faire extrêmement chaud, et à part en altitude l’atmosphère est très humide. N’oubliez pas d’apporter avec vous de l’eau en quantité suffisante, ainsi que de quoi vous protéger du soleil (et des moustiques en fin de journée). Ne comptez pas vous ravitailler en nourriture dans les petits villages. Vous y trouverez tout au plus de l’eau et quelques snacks, mais pas de quoi constituer un vrai repas.
- L’argent : Il nous est arrivé à plusieurs reprises d’être confrontés à cette particularité, quelques conducteurs nous ayant demandé de payer notre trajet. Mieux vaut mettre tout le monde d’accord sur les conditions de votre transport avant d’embarquer dans le véhicule, afin d’éviter les mauvaises surprises (pour l’auto-stoppeur, comme pour celui qui accepte de l’aider). Connaître le vocabulaire de base tombe sous le sens, même si la langue laotienne n’est pas évidente à prononcer.
- Le matériel : Pour vous lancer, pas besoin d’équipement spécifique. Cependant, pour faciliter votre aventure, n’hésitez pas à apporter avec vous un marqueur de qualité (voire une ardoise Velleda, pour écrire de jolis panneaux), un gilet jaune réfléchissant et une lampe de poche puissante (pour la nuit), un long chèche (pour vous protéger du vent à l’arrière des pick-ups), une discrète sacoche de sécurité (pour ranger votre passeport et votre argent), une housse imperméable (pour votre sac, selon la saison), un chargeur portable (utile si vous utilisez beaucoup Maps Me) ainsi que l’indispensable livret G’Palémo (guide illustré permettant de vous faire comprendre aisément si vous ne parlez pas la langue).
- Autres : Enfin, je vous recommande de jeter un œil à ma rubrique auto-stop, où vous trouverez de nombreux conseils ainsi que d’autres jolis carnets de route, n’hésitez pas également à lire mon article sur le danger de l’auto-stop pour en savoir plus.
Pour la petite anecdote, c’est de la même manière qu’avait commencé notre traversée du pays. En effet, notre première nuit laotienne a été épique : nous avons été invités dans une école où des professeurs célébraient en bonne et due forme la fin des vacances scolaires. Entre deux parties de pétanque, on nous a offert le gîte et le couvert. Nous avons passé la nuit allongés sur les tables d’une classe : je n’avais jamais aussi bien dormi en classe. Ça y est, la boucle est bouclée et l’aventure se termine comme elle a commencé : sur les bancs de l’école !
Après ce long périple, l’aventure se poursuivra ensuite au Nord du Vietnam puis en Chine, mais ça, je vous le raconterai plus tard !
En attendant la suite de l’aventure au Vietnam puis dans le Guangxi en Chine, n’hésitez pas à retrouver mes autres récits de voyage, notamment celui relatant un joli trek le long du Mékong au Laos, ainsi que l’intégralité des articles relatifs à mon tour du monde !
Le Laos en stop, quelle belle idée ! Super article en tout cas ! 🙂
Merci, c’est gentil !
La chaaance ! J’aimerais tellement aller au Laos ! C’est décidément un pays qui fait partie de ma wishlist (qui se rallonge de jours en jours, surtout quand je traîne sur les blogs voyage ^^)
Alors je te le souhaite ! 🙂
J’aime beaucoup (beaucoup) cette citation de Paulo Coelho. Je trouve qu’elle est très juste.
Merci pour le partage de ces deux semaines laotiennes, qui m’ont replongée dans mes deux voyages là-bas… Le Laos est un pays qui m’avait fait une forte impression, et j’espère bien avoir l’occasion d’y retourner. Bonne poursuite de vadrouille !
Merci pour ton message Aurélie ! Deux voyages au Laos : super ! Tu as dû en prendre plein les yeux !!! Je te souhaite d’y retourner alors… Au plaisir de te croiser un jour sur la route ! 🙂
Malgré l’envers du décor ça reste des expériences magiques à lire !
Merci beaucoup pour ton commentaire 🙂
quel bonheur de vivre avec toi ces moments privilégiés de lecture accompagnés de splendides photos
merci ma Rouma
PS tu ne peux vraiment pas de passer du pet sitting
remember Flopie qui elle est devenue très sage
grosses bises
Contente de savoir que Floppie est enfin sage, hâte de la retrouver! Merci pour ton message, gros bisous