Panier

Après quelques mois passés sur cette terre d’Afrique en mode backpack, il est temps pour moi de lui dire au revoir. Jusqu’au dernier instant, ce continent a été si surprenant, envoûtant, et généreux avec moi. C’était la huitième fois que je m’y rendais, et cela reste aujourd’hui encore mon grand coup de cœur, comme je l’ai déjà souvent écrit.

Au fil des mois, j’ai continué à en prendre plein les yeux. L’Afrique n’est pas ce que l’on imagine. L’Afrique n’est pas ce que l’on nous présente à la télévision. L’Afrique n’est pas ce que l’on veut bien nous raconter. Non, l’Afrique, c’est tout, sauf cela.

Nouakchott, Mauritanie

Enfants de l’Institut Mariem Diallo, orphelinat de Nouakchott, Mauritanie

L’Afrique n’est pas un tout qui rassemblerait des centaines de peuples dans une seule et même culture. Bien au contraire, la première richesse de l’Afrique est sans aucun doute sa diversité. De l’Afrique de l’Ouest à celle de l’Est, en passant par l’Afrique Australe ou celle des îles, les contrastes sont frappants, comme un nouveau continent qui ouvrirait ses portes au voyageur hébété. Bien sûr, un sentiment d’unité relie les africains, sur cette terre qui a connu les premiers pas de l’Homme. Mais l’Afrique, c’est bien plus que cela. C’est une mosaïque de peuples qui tentent de cohabiter, sur un continent où les richesses sont volées. Et c’est pourtant l’endroit au monde où le voyageur de passage recevra l’accueil le plus incroyable, et ce, quel que soit le pays.

Nakuru, Kenya

Avec les jeunes de l’orphelinat de Nakuru, Kenya

L’Afrique, c’est le lieu de toutes les remises en question pour le voyageur, qui plus est s’il est blanc, et français. Entendons nous bien. J’aime mon pays, et plus je voyage, plus je me rends compte de la chance que j’ai d’être née en France. Mais il faut aussi savoir reconnaître qu’au cours de l’Histoire, les miens ont causé de nombreux torts ici, et ce aujourd’hui encore. Bien que n’y étant pas pour grand chose, il y a ces moments où en tant qu’occidental, le toubab un peu perdu ne fait plus le fier, le mzungu tente de se faire discret, et le vaza essaie de se faire oublier. Il faut également être juste, et se poser la question : si nous sommes accueillis ici à bras ouverts, en recevant tous les honneurs et toute la générosité imaginables, qu’en est-il en sens inverse? Par ailleurs, les exemples d’ethnocentrisme ne manquent pas de la part de mes pairs. C’est en m’y confrontant que je réalise péniblement qu’il m’a fallu du temps, pour m’apercevoir que ma culture n’est finalement pas supérieure aux autres, comme on nous le laisse si facilement penser. Voyager en Afrique nous permet de prendre du recul sur notre propre culture, notre propre société.

Nata, Botswana

Rencontre avec un artisan de Nata au Botswana

L’Afrique, c’est une toute autre temporalité. Dans le monde occidental où j’ai grandi, on nous apprend que le temps, c’est de l’argent. Ici, le temps, c’est juste du temps qu’il faut tenter de remplir au mieux, la slow life par excellence. Le mot stress ne se traduit pas dans beaucoup de langues locales, allez savoir pourquoi… Bien sûr, les difficultés sont là, nombreuses, et difficiles à surmonter. Mais ici, chaque chose en son temps, et à chaque problème sa solution. Il flotte dans l’air une sorte d’heureuse nonchalance. On prend son temps, car on a le temps. Ici, on a compris que le luxe n’est pas d’avoir toujours plus, non, le luxe, c’est d’être là, de vivre le moment présent sans courir éperdument après le suivant, en goûtant délicatement la saveur de chaque instant. Dans un monde où la course effrénée à l’argent nous soumet, et où la confusion entre le bonheur et la possession matérielle règne, quelques mois de voyage en Afrique remettent vite les idées en place.

Nakuru, Kenya

Enfants de l’orphelinat de Nakuru au Kenya

L’Afrique, c’est enfin un retour aux valeurs familiales, que l’on perd peu à peu dans nos sociétés sur-développées. Ici, la famille passe avant tout, et les générations se mélangent joyeusement dans les foyers. Tentez d’expliquer à un africain que vos parents vivent dans une maison de retraite, et vous aurez votre dose de gêne pour les mois à venir. Si nous oublions facilement d’où nous venons, si nous déléguons nos responsabilités, soulagés presque, ici, il n’est pas question de devoir, il s’agit seulement de respect et d’amour. Les cultures africaines placent toutes la famille au premier plan, et ne différencient pas la famille proche d’un cousin éloigné. Ici, c’est un peu comme si un gamin de huit ans nous apprenait la vie en nous disant tout simplement : Mais pourquoi tu dis demi-sœur? C’est ta sœur non?

Nouakchott, Mauritanie

En famille à Nouakchott (Mauritanie), avec Mouna et Baseydi

Alors, je quitte cette Afrique, ces Afriques, avec un gros pincement au cœur, consciente de tout ce que j’ai appris ici. Je quitte ce continent avec le souvenir de ces visages souriants et accueillants, de tous ces bons samaritains qui m’ont tant donné, sans rien attendre en retour.

Je termine ce voyage hors sentiers battus en laissant derrière moi ce feu d’artifice de surprises et de rencontres, qui a éclairé chaque instant mes journées. Pas une heure ne s’est déroulée sans que je ne sois étonnée, chamboulée, amusée, ou touchée. Je quitte cette terre, un peu nostalgique, mais surtout profondément reconnaissante…

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